Un projet qui reflète la tradition pastorale basco-béarnaise : TRAILLE c’est une combinaison de “trail” qui désigne les chemins qui sont laissés dans la montagne par les animaux qui montent en estive pour paître mais aussi les courses à pied en montagne qui permettent aux trailers d’admirer des paysages à couper le souffle tout en s’adonnant à leur sport. C’est également le nom de famille maternel de Muriel. Issue d’une famille de bergers à partir de ses arrières grands-parents, originaire d’un petit village béarnais, c’est en discutant avec un berger que ce projet lui est naturellement venu, en constatant que pour eux, la laine n’était rien d’autre qu’un déchet. 

Un parcours à Sciences-Po, responsable commerciale chez Altran, société de conseil tournée vers l’innovation, et par la suite, une activité de restauration à laquelle l’arrivée du Covid a mis fin. Un choix familial pas des moins compliqué que Muriel prend avec le sourire aujourd’hui et qui lui a notamment permis de revenir vivre au Pays Basque, d’avoir une vie plus proche de la nature mais aussi de se consacrer pleinement à un projet qui lui est cher, Traille, qui a vu le jour en Août 2019.

Une passion qui s’est développée progressivement, grâce à de multiples prises de consciences sur le marché de la laine.

“La non valorisation de la laine est un problème inhérent à toute la France: seulement 4% de la laine produite dans nos territoires y est transformée aujourd’hui. Ce sont notamment l’arrivée du mérinos étranger et le succès des matières synthétiques qui ont appauvri les unités de transformation de la laine. On tombe ensuite dans un cercle vicieux qui s’applique à toute l’industrie du textile : moins on en transforme moins il existe d’acteurs capables de le faire.

L’arrivée des matières synthétiques dans les années 70 et 80 a créé de nouvelles attentes côté consommateurs. Celles-ci ont été comblées par les afflux de laines des moutons merinos, plus doux, venant d’élevages industriels du bout du monde (Australie, Nouvelle-Zélande et Afrique du Sud pour citer les champions). Les dérives typiques des supers élevages y sont courantes : croisements génétiques pour augmenter le rendement de laine, peu de main d’œuvre pour des milliers de bêtes, pratiques telles le museling (consiste à enlever un bout de chair à vif pour éviter certains parasites) toujours permise en Australie,… 

“Si on achète du merinos étranger, il y a de fortes chances qu’il soit issu de ces grands élevages industriels. On est dans un modèle totalement différent en France. Dans la plupart des cas, les brebis ne sont pas élevées pour leur laine mais pour leur lait. La moyenne des tailles de troupeaux dans le sud-ouest est de 300 brebis et souvent, ça fait vivre toute une famille. On est également dans une démarche de pastoralisme : une vie en communion avec la nature où les brebis partent paître en estive depuis des centaines d’années. Où les habitants des montagnes et des vallées ne prennent que ce dont ils ont besoin.” 

TRAILLE comme solution de revalorisation de la laine

Après avoir découvert que les bergers jetaient leur laine chaque année par manque de débouchés, Muriel a acheté le fruit de la tonte (600kgs !) d’un berger de sa connaissance, Marc, basé à Lanne en Barétous. Dès le début, Muriel savait la piste du fil ne serait pas très porteuse puisque cette laine est « rustique » : entre l’océan et les montagnes, les brebis ont développé une laine qui les protègent des éléments et est donc très épaisse. Mais mener ce projet de fil jusqu’au bout, c’était également se rendre compte de la réalité de la transformation de la laine en France, de tous ses freins mais aussi de toutes les initiatives qui contribuent aujourd’hui à renforcer chaque étape de la filière.

Première étape, le lavage : alors qu’il y en avait quasiment à l’entrée de chaque vallée auparavant, il n’existe plus que deux lavoirs en France. Après avoir fait le choix du lavoir ariégeois pour des questions de proximité, vint le moment de trouver une filature. Plusieurs filatures sont aujourd’hui remises en état (Sibada à Niaux) ou créées de toutes pièces (Ilétégia à Sare au Pays Basque) ce qui multiplie les possibilités pour les éleveurs de faire filer leur laine même en petite quantité.  

“Faire du fil coûte cher, surtout quand on fait du 100% made in France sur des petits volumes. Cela coutait aussi cher à produire que le prix de vente de mérinos Néo-zélandais, avec une qualité de produit fini bien moindre, à cause de l’épaisseur de la laine.”

Ce « projet fil » fut très formateur et permit à Muriel de rencontrer de nombreux experts de la laine, tous prêts à transmettre leur savoir et à soutenir ce nouveau projet. Cependant, dès le début, elle savait que son projet serait un mélange de revalorisation de ces savoir-faire existants mais aussi d’innovation.   

La laine comme isolant

“Comment, malgré tout, valoriser cette laine ? Comment faire un produit qui ne passe pas par la case fil ?”

Il existe deux types de matières : les tissés qui sont fabriqués à partir de fil, et les non tissés qui sont issus de techniques diverses pour agglomérer la matière. Dans le cas de Traille, le but est en effet de lier les fibres entre elles sans passer par la case fil, trop coûteuse et sans intérêt vu l’épaisseur de la laine. 

Très vite, un non tissé devient évident : la ouate isolante pour le secteur de la mode. Aucunement besoin que la laine soit douce comme le mérinos et ses propriétés naturelles lui permettent de concurrencer des ouates en polyester d’un point de vue isolation thermique. L’idée est donc très simple : concurrencer cette matière pétro-sourcé située entre la doublure et la membrane extérieure d’un vêtement.

Après plusieurs mois de R&D menée avec le CETI (Centre Européen des Textiles Innovants), un isolant à base laine est mis au point. La technique de l’aiguilleté n’est pas suffisante pour consolider la matière et ne donne pas un gonflant suffisant. Donc, a fait le choix de rajouter une matière supplémentaire (appelée un entrant) puis de passer le mélange dans un four : une fois fondu l’entrant liera les fibres de laine entre elles et donnera la solidité nécessaire au produit fini. Restait à trouver l’entrant. Pour Muriel, le polyester n’était vraiment pas une option pour des questions environnementales : pétro-sourcé, diffuseur de micro-plastiques, non biodégradable ou compostable.  

Il fut décidé d’utiliser du PLA, de l’amidon de maïs biosourcé, compostable et possédant les même propriétés de thermofusion que le polyester. Un produit en pleine expansion car utilisé pour les imprimantes 3D et dont la forte croissance a d’ailleurs fait exploser le prix. 

Plusieurs marques déjà intéressées, la première production aura lieu début Février.

“Le projet de recherche s’est très bien passé, on a sorti les prototypes fin juillet 2020, puis la phase d’industrialisation a démarré. Nous voulions absolument faire du Made In France mais les fabricants potentiels étaient pour l’instant tournés vers le synthétique. Nous espérons les convaincre de passer sur des matières naturelles à terme et relocaliser en France cette étape, la seule qui n’est pas effectuée sur notre territoire. Notre fabricant actuel est cependant basé dans le Nord de l’Espagne ce qui a énormément de sens d’un point de vue environnemental.”

Afin de mesurer précisément l’impact environnemental et les gains à basculer sur cette matière, une ACV est à venir. Chaque étape est totalement transparente pour les marques et les consommateurs. Tous les choix ont été faits en cohérence avec la démarche environnementale et d’économie circulaire du projet. Le lavage est ainsi effectué chez Laurent Laine, un des deux derniers lavoirs en France, la transformation dans le nord de l’Espagne avant d’être stockés dans le sud de la France chez Boost (Montpeller), une société de logistique éthique et de réinsertion qui agit également pour la réduction des déchets du secteur logistique.

Afin de rassurer les marques sur les qualités techniques et la facilité à quitter le polyester, une phase de tests très poussés est prévue durant la première production. Seront ainsi optimisés la résistance thermique, compressibilité, résistance au lavage ou encore résilience.

En quoi l’utilisation de cette matière est-elle bénéfique pour soi et pour l’environnement ?

“Le fait que la laine est une matière qui se renouvelle et qui n’est que très peu utilisée est le point de départ, alors qu’est-ce qu’on peut faire de cette laine ?”

Le produit est voulu le plus durable possible. Le cœur même de l’éco-conception est d’anticiper toutes les étapes de la durée de vie du produit : en proposant une alternative naturelle sur un marché où la quasi-totalité des produits sont pétro-sourcés. On interroge également la capacité à définir des solutions durables pour chaque matière utilisée. 

  • Isolante : sa morphologie, qui permet de piéger beaucoup d’air, produit une faible conductivité thermique et apporte ce caractère isolant à la fibre. La laine est ainsi utilisée comme isolant thermique naturel dans le bâtiment et permet aussi une isolation très intéressante dans le textile.
  • Hydrophobe : elle n’aime pas l’eau et est capable d’absorber beaucoup d’humidité sans qu’on ressente cette sensation d’humidité.
  • Allergène : on recommande de mettre une moquette en laine pour éviter par exemple les acariens ou les bactéries.
  • Thermorégulante : ‍elle s’adapte à la température de l’air et est ainsi très appréciée dans des environnements de sport technique avec de fortes amplitudes de température.
  • Absorbante : ‍la laine peut absorber jusqu’à 18% de son propre poids sans que ce ne soit perceptible au toucher et jusqu’à 35% sans en rejeter. Cette propriété est très utile dans un contexte de transpiration.
  • Résistante et élastique : sa structure en écailles accentue les frottements des fibres les unes sur les autres ce qui favorise la résistance de la laine ce qui en fait un produit extrêmement robuste et durable.
  • Capte les odeurs : ‍en absorbant naturellement l’eau et donc la transpiration, la laine garde la peau plus sèche ce qui permet de freiner le développement de bactéries et donc des mauvaises odeurs. Contrairement à d’autres matières (synthétiques notamment), la structure chimique complexe de la laine lui permet d’absorber et de figer les odeurs qui pourraient se développer.
  • 100% biodégradable

Comment Traille compte aborder le marché du sport ?

Une orientation plutôt outdoor pour Traille, ce marché étant à la pointe d’un point de vue R&D mais aussi conscience environnementale (utilisation de matières recyclées par exemple). Les produits (type parkas) nécessitent également une bonne isolation thermique ce à quoi répond parfaitement le projet Traille. Mais les marchés lifestyle peuvent également être intéressés par la matière, dès lors qu’ils utilisent un isolant à base de polyester. 

ski made nature

L’objectif étant de répondre aux attentes des marques et donc des consommateurs, Muriel souhaite les rassurer à deux niveaux :

  • En terme de technicité

“Leur prouver que techniquement, on est aussi bon en terme de performance que le polyester et qu’il n’y a pas seulement l’aspect environnemental dans ce projet”

  • Mesurer l’impact en proposant aux marques un sourcing, qui leur permettent de mesurer leur impact quand ils passent sur la matière Traille. Une ACV (Analyse du Cycle de Vie) est prévu et sera d’ici peu lancée. Cela permettra de dire aux marques toutes les étapes du projet et de montrer une transparence à 100% mais que ce soit aussi un réel outil, en mesurant pour les marques leurs gains en terme d’impact.

Des projets de diversification ?

D’autres projets sont à venir, pour des matières textiles avec le CETI mais aussi des applications dans d’autres secteurs. On compte 2000 tonnes de laine non utilisée chaque année au Pays Basque, il y a de quoi faire !

À savoir que le projet Traille s’inscrit dans une dynamique nationale de revalorisation de la filière laine. On peut ainsi citer un projet majeur, le collectif Tricolor mené par Pascal Gautrand, qui se bat pour fédérer les acteurs de la filière laine et qui a un objectif de 24% de transformation de la laine en France, contre 4% aujourd’hui. Le collectif a été officiellement lancé fin 2020, et beaucoup de marques comme Le Slip Français, Saint James, Balzac sont derrière ce projet.

“C’est le consommateur qui, en achetant ses produits, permettra de structurer de plus en plus la filière, de rendre les acteurs économiquement viable et de sortir de ce cercle vicieux.”

TRAILLE est présent sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram, et vous pouvez aussi allez jeter un coup d’œil sur le site internet mais aussi soutenir le projet qui a été pré sélectionné lors du concours La Fabrique Aviva et a besoin de votes pour bénéficier d’une subvention !

Nous vous rappelons que Made Nature vous propose une sélection de produits performants en matières naturelles pour pratiquer votre sport.