Lorsque la vague verte passe à la moulinette du marketing, elle en ressort lessivée et dénuée de sa substance. Le greenwashing démobilise les consommateurs en semant le doute et la suspicion sur leurs actes d’achat. Les marques qui agissent réellement en réformant leurs pratiques en pâtissent aussi.
Comment éviter de tomber dans le piège d’une communication trompeuse ? Analyses et témoignages d’experts.
Le greenwashing, c’est quoi? Quelques exemples
Imaginez. La scène se passe à Paris en plein mois de juillet : une rue est peinte en vert et en blanc pour lutter contre les îlots de chaleur urbains qui accablent les villes en période de canicule. Action vertueuse ou coup marketing répondant à la définition usuelle du greenwashing (« procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse. » ) ?
Les avis sont partagés : Un spécialiste de la pub y voit une idée originale et instagrammable… Juliette Nouel, journaliste spécialiste des questions environnementales souligne quant à elle que la peinture utilisée n’est pas pérenne : « il s’agit (…) de films plastique thermo-collés destinés à être arrachés. » Et le vert dans tout ça ? Il rappelle surtout la couleur de la marque en question martèle Sylvain Rotillon, chef de mission gouvernance et environnement auprès du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Selon lui, on est bien dans une « opération marketing qui se cache derrière une expérimentation d’adaptation au changement climatique : Il s’agit de faire la promotion d’un alcool en jouant sur l’idée de fraîcheur liée à la menthe, le vert renvoyant à la couleur de l’alcool. Du pur greenwashing qui en plus intervient à large échelle sur l’espace public. ».
Cet exemple récent relève de l’anecdotique compte tenu de son échelle restreinte mais il est pertinent de l’analyser car il porte en germe les travers principaux occasionnés par le greenwashing.
Le greenwashing : un mensonge aux multiples conséquences
Pour Louis-Marie Vivant, consultant en environnement des territoires, les sociétés qui ont recours au greenwashing « mentent sur un impact présenté comme positif ou survendent ce type d’impact. »
Problème : la peur du greenwashing inhibe certaines marques qui n’osent communiquer sur leurs actions de peur de passer pour des greenwashers.
Problème : la peur du greenwashing inhibe certaines marques qui n’osent communiquer sur leurs actions de peur de passer pour des greenwashers.
Thibault Liebenguth, consultant spécialisé dans le textile outdoor souligne : « par peur de représailles, certains pensent devoir être parfaits avant de prendre la parole, donc ils se taisent » alors que leurs actions vont dans le bon sens.
Le greenwashing jette donc un voile de suspicion généralisé et tenace qui met en danger les initiatives à impact réellement positif. Il désoriente les consommateurs, qui pourraient être tentés de laisser tomber leurs efforts pour consommer responsables et discrédite l’action sincère de certaines marques, souvent de taille plus modeste, assimilées à des enseignes aux méthodes discutables.
Le greenwashing jette donc un voile de suspicion généralisé et tenace qui met en danger les initiatives à impact réellement positif.
Melisse Carcassone, ingénieure en économie circulaire et fondatrice d’Ecocline, réagit vivement quand on lui parle de greenwashing : « Le greenwashing c’est McDonald’s qui change son logo pour mettre le M jaune sur fond vert alors que rien n’a changé : l’enseigne ne respecte toujours pas les règlementations en vigueur, notamment pour ce qui est du traitement des déchets.
C’est Nutella qui se vante d’utiliser de l’huile de palme issue de forêts gérées durablement. Mais une forêt d’huile de palme aura beau être totalement bio et écologique, il aura fallu la planter et pour cela massacrer tout un écosystème endémique !
C’est mettre un emballage en carton recyclé autour du Roundup, pour aller dans les extrêmes (rires) !»
Le greenwashing profite donc de la naïveté des gens et de leur envie de faire un geste pour l’environnement. Mais fondamentalement, le greenwashing ne modifie pas le système existant. Pire, il le renforce. Par exemple, une marque mettra en avant une bonne action, un bon produit, pour cacher le reste et « faire passer la pilule ».
Dans ce cas, elle achète une réputation : telle une gamme en coton éthique chez H&M au pays de la fast fashion et du gaspillage textile et ses impacts environnementaux et sociaux.
Le greenwashing profite donc de la naïveté des gens et de leur envie de faire un geste pour l’environnement. Mais fondamentalement, le greenwashing ne modifie pas le système existant. Pire, il le renforce
Le greenwashing est devenu plus insidieux comme le montre l’exemple inaugural : « Il est passé d’une communication avec des petites fleurs qui sortent du pot d’échappement des voitures à des choses plus subtiles qui poussent à consommer des produits dits écologiques mais dont on n’a pas besoin » relève Benjamin Marias, consultant en stratégie environnementale.
« Sortir un SUV « propre » C’est pousser les gens à avoir des voitures dont ils n’ont pas besoin (qui a besoin d’un faux 4×4 en ville ?) et de leur faire croire qu’en plus, c’est un acte écologique »
Et Mélisse d’acquiescer : « Sortir un SUV « propre » C’est pousser les gens à avoir des voitures dont ils n’ont pas besoin (qui a besoin d’un faux 4×4 en ville ?) et de leur faire croire qu’en plus, c’est un acte écologique » alors que les SUVs restent plus polluants et plus dangereux que les autres véhicules.
Petite cartographie à l’attention des consommateurs responsables
Alors que faire ? Comment repérer les actions de greenwashing et soutenir les réelles initiatives ?
Le changement de paradigme des consommateurs est réel : Une étude récente montre que l’éco-conception est une préoccupation majeure de 75 % des consommateurs. Les marques se doivent donc de répondre à cette attente forte, sans dérouter le consommateur, ce que tend à faire précisément le greenwashing.
La démarche demande un minimum d’implication de la part du consommateur : disséquer la communication d’une marque sur son site web, vérifier son niveau de transparence et sa réputation dans les revues ou le sites spécialisés, etc
Comprendre la démarche globale ou holistique (pour reprendre le terme utilisé par Francois Souchet, de la fondation Ellen MacArthur) d’une marque est de ce point de vue fondamental. Autrement dit, les actions d’une marque se situent-elle au coeur même de son fonctionnement ou sont-elles superficielles ?
Il est possible de le savoir en regardant tous les produits proposés par une marque et pas seulement celui mis en avant pour son impact écologique. La démarche demande un minimum d’implication de la part du consommateur : disséquer la communication d’une marque sur son site web, vérifier son niveau de transparence et sa réputation dans les revues ou le sites spécialisés…
Voici quelques questions à se poser :
- La marque utilise-t-elle majoritairement des matériaux recyclés ou biodégradables ?
- Vise-t-elle la neutralité carbone, voire plus, à court terme ?
- Est-elle inscrite dans une démarche d’économie circulaire ?
- Cherche-t-elle à allonger la durée de vie de ses produits et permet-elle à ses consommateurs de les réparer ?
- Prend-elle en compte les impacts sociaux de ses produits (conditions de travail de ses usines) ?
- Quelle est sa politique de transport et de packaging ?
Si une marque a une réelle démarche, les réponses à ses questions devront pouvoir être trouvées facilement et de façon détaillée. Le flou et/ou l’absence d’informations cache très souvent le manque d’action véritable d’une marque.
Le flou et/ou l’absence d’informations cache très souvent le manque d’action véritable d’une marque.
Pour les plus courageux, l’ADEME poursuit ces réflexions dans un guide très didactique qui s’adresse autant aux marques qu’aux agences de publicité et aux consommateurs. Le titre est sans équivoque : « Anti greenwashing ». Faire des choix conscients et informés, c’est donc l’affaire de tous.
Un article de notre expert Samuel Dixneuf